Laurence Nicola fait corps avec la
nature. C’est le lieu de rencontres incongrues avec les éléments qui
l'entourent : des roches, des rochers, des matériaux divers. Elle
expérimente des associations de matières inédites et recrée des paysages à
vivre, à observer, à ressentir. Elle nous fait découvrir ce que nous avions
déjà vu sans jamais l’avoir regardé attentivement : des matériaux que nous
utilisons pour la construction ou l’aménagement intérieur des appartements,
elle les utilise autrement, les effeuille et nous pousse à scruter leurs
dessous.
Le polystyrène rencontre le papier, entouré par le silicone ou le
plâtre, comparant mutuellement leurs aspects si friables. Dans cette réunion de
matériaux sont les grandes familles, les nobles : le bois avec sa forêt de
dentelle, l’os dénudé, la pierre un peu cassante, le verre. Des minéraux sont
mêmes là : les volumes du mica sur le mur. De la famille des silicates, il est
l’un des constituants du granit. Le mica est en habit de parade, éblouissant,
son nom vient du latin micare qui signifie briller, scintiller. Des feuillets
de cristaux s’assemblent comme dans un bas relief et varient suivant la
lumière, des reflets inédits apparaissent comme des étoiles filantes.
Les
recherches de Laurence Nicola permettent une rencontre entre différents niveaux
de la société des matériaux et des matières : céramique, silicone,
pierre ; leurs origines se mélangent et l’on ne sait plus s’ils sont
artificiels ou naturels. Elle permet des unions étonnantes : la porcelaine
si fine et élégante s’acoquine au polystyrène, au plastique et parfois même à
la pâte à modeler.
Dans ce monde que propose Laurence Nicola, les éléments
ramenés du bord de l'eau sont des pièces à conviction : pierre polie,
coquillage, bois noir calciné échoué sur le sable. Ainsi que des plastiques,
polystyrènes que la nature a assimilés, remodelés. Ce sont des rituels de
visites sur des lieux de prédilections comme Jean Dubuffet semblait le
pratiquer : promenades régulières à la campagne d’où il ramenait des
feuilles, du bois, des pierres. Avec ce travail régulier de rencontres
fortuites, puis d’observation, de toucher des éléments ; les matières
deviennent des œuvres polyvalentes : des ready-made naturels, des fétiches,
des objets de rituels ou presque rien. Cela dépend essentiellement de leur
contextualisation et de celui ou celle qui regarde.
« Les présents »
sont une série photographique qui montre des gestes d'offrandes. Sur l’une
d’entre elles, Laurence Nicola semble faire référence à une pièce de Louise
Bourgeois : « Fillette », œuvre en latex qu’elle porte sous son bras,
photographiée par Robert Mapplethorpe. C’est un bras féminin qui protège. Le
travail de Laurence Nicola pourrait également être associé aux expérimentations
du poète Francis Ponge, notamment dans son livre : « Le parti pris
des choses » où il brise le moule du déjà vu et renouvelle la perception
des objets et des mots, c’est une poétisation de l’univers acquise par une
observation précise et inédite.
Les œuvres de Laurence Nicola sont des poèmes à
traverser avec des incises de formes, des métaphores et des rimes riches, des
insertions surprenantes entre des matières qui les plongent dans une sensualité
animiste, un goût qui semble retourner vers les premières perceptions de
l’enfance, du temps où rien n’était acquis, mais tout à découvrir, goûter,
expérimenter.
Laurent Quénéhen, janvier 2019.